au pont

descendre

juste

au bord

tout au bord


une paroi

un humus

un horizon

des strates extrêmement visibles

de calcaire

très dessinées

un virage

long

quelque chose de tendre

contre quelque chose

de plus

dur

de plus fort

de plus froid


la lenteur

est visible 

la puissance

aussi


des petites choses

coulent


l’humidité forme une épaisseur le long

de ces parois verticales

des variations

de gris

de vert

de beiges


très fines 

qui prennent les matières

disent les matières

disent l’orientation des parois

des toutes petites parois à l’intérieur des parois


cette imbrication peut perdre

du moins ce sont comme des portes


des portes qui s’ouvrent 

les unes derrière les autres


avec des tailles différentes

des orientations différentes


plus le regard fixe

s’élargit

moins il y a de focale précise

plus ce système de portes

d’ouvertures

de couloirs

d’orientations

extrêmement fines

d’angles


s’ouvre


n’arrête pas de s’ouvrir

cela dit

la puissance et la rapidité

du phénomène d’érosion

sur ce calcaire


la manière dont le Largue

fort

très tranquille maintenant

très très tranquille

bas

très calme

très doux


ça dit la manière dont

au fil du temps

et plus largement encore


il s’enfonce


comment est-ce qu’il pourrait à la fois remonter

et s’enfoncer


c’est quelque chose qui émerge 


à cinquante mètres de l’arche du Pont sur le Largue

une arche re-cimentée il y a peu

aucune trace d’humidité

la matière est nette


très proche de l’homme

et tout de suite après

de part et d’autre du pont


une espèce de fouillis incommensurable

de troncs

écorcés

peu écorcés

de branches

imbriquées les unes dans les autres


de feuilles se sont empalées sur les petites branches

de petites brochettes de feuilles

complètement resserrées 

compressées les unes derrière les autres

à cause de la puissance du courant

du courant

d’une autre saison

car là le Largue

est totalement

calme

transparent

à peine quelques petites

ondes à la surface

un petit mouvement

vibratoire

prend tout le long de la surface

de petites choses

des petites gouttelettes

qui ne sont pas celles qui coulent le long de la paroi

mais d’autres

viennent de dessous

brisent très légèrement la surface

c’est à peine visible

des petites bulles circulent


très peu de petites bulles

qui éclatent


elles circulent très peu de temps

et elles éclatent

très très vite


mais


quelques rochers

plus loin

avant l’arche du Pont

fabriquent

ce son continu

pas une cascade disons

un détour

une chicane vertical

ça bouillonne un peu

ça écume

c’est blanc

ça occupe l’espace

c’est là

à gauche

pas très loin

légèrement atténué par l’endroit

où je suis assise

où je me situe

derrière le virage


face


à moi


assise dans cet autre virage

ou à l’orée de ce grand virage

lithographique

pariétal

grande grotte

à ciel ouvert

juste en face

l’avancée

de la falaise

les strates se désagrègent

le haut de la falaise

avance à l’horizon

humique

et déborde


des arbres retiennent la terre

font une avancée

arrondissent l’angle de la falaise

des plantes sont venues s’accrocher

sont venues renforcer

cette terre et

une ombre

un climat ombreux s’est installé là

c’est orienté plein nord

probablement

très probablement

toute cette paroi

devient humide

sur une quinzaine de mètres

d’abord quand c’est très vertical

c’est une sorte de mousse spongieuse très

foncée

très humide

et quand il y a un peu d’épaisseur

ça sèche ça devient

vert clair

il y a une arrondissure

de tous les volumes

et de tous les angles

de la pierre qui parfois

filent droit et là

tout est un coton qui

adopte

qui épouse

toutes ces formes

un coton noir

ça s’accroche

comme des taches de goudron et

plus on parcourt par le regard cette avancée

et plus

la roche se referme

en une petite grotte

au milieu

la mousse 

beaucoup de mousse

partout


au lieu que ce soit presque noir d’humidité

comme sur le côté gauche

là c’est un vert foncé d’humidité

les mousses sont à cette distance

comme des fougères sont

un petit peu rouges

et ça dégouline

ça coule

tout le temps

des petites gouttes

tout le long de la paroi

le lierre

frais

remonte

s’accroche dans la mousse

les racines sont apparentes

les feuilles de chêne en train de se décomposer

forment une strate horizontale et verticale à la fois

il fait totalement noir dans les anfractuosités

de cette paroi

des primevères jaune pâles se sont accrochées

presque en haut

le fouillis

est incommensurable

rien ne sèche